jeudi 20 janvier 2011

Papillyon

C'était il y a quatre ans, précisément en avril 2007, et nous avions jumelé une visite à Jean-Jacques et Françoise ; une autre à Pierre en pleine préparation de son exposition de collages et peintures d'automne (le fameux salon d'automne de Courmangoux-Roissiat) ; et une dernière à Papillyon, salle de la Ficelle. Avec tout ce que je vous ai fait lire jusqu'à maintenant, vous en savez assez sur les papillons les plus célèbres pour apprécier quelques boites exposées par les plus grands chasseurs et éleveurs de la planète.

Vous allez voir : comme moi ils sont passionnés d'ornithoptères ; d'Apollo (au-dessus de 5000 mètres dans l'Himalaya c'est mieux !) ; et...d'écailles rares. On peut aussi admirer de simples Machaon ; des variations naturellement. Sous la table peut se négocier Hospiton strictement interdit (mais pas sous la table). Ou encore des hybrides entre Machaon et Hospiton (dans la boite car ils sont très difficiles à différencier de Machaon). On peut acheter des cocons du Grand Paon de Nuit, mais on prend un risque : que le papillon dedans n'éclose jamais. Mais le risque est aussi qu'il éclose, et résolve pour vous la problématique de la poule et de l'oeuf puisque vous risquez de voir éclore une poule nommée Eve, c'est à dire le début d'une lignée ! (pour ceux qui lisent au premier degré, c'est une métaphore !)

vous voyez : dès qu'il y a des ocelles bleus dans les postérieures d'un Apollo, on a affaire à Imperator. Les prix grimpent de suite !


Je vais vous guider un peu : tout cela, ce sont des Papilio : il leur manque la fameuse nervure près du corps au postérieures. Beaucoup d' Apollo, le chic étant quand ils ont les ailes noires. Il y a tout à gauche des Archon de Delphes (il y en a ailleurs heureusement !). Il y a des Zerinthiidae. Dont je vous ai parlé, et bien d'autres que je n'ai jamais vus dans la nature : ils sont russes, chinois et indonésiens...!
















vous reconnaissez : le Grand Paon de Nuit et ses cocons, et Acherontia atropos !


beaucoup d'amateurs ne s'intéressent qu'aux ornithoptères : les plus grands. Les plus colorés (les mâles). Des lavis à l'encre de chine (les femelles). Pour éviter leur disparition, des fermes permettent de les élever, et donc de s'en procurer. La disparition des forêts vierges dans les Iles de la Sonde, ou Bornéo, pour être remplacées par des palmiers à huile destinés à fabriquer du beurre-sans-lait-de-vache, va évidemment supprimer les habitats, je ne vous dis pas la suite....


d'autres n'aiment que les Morphos, parce que c'est la Rollex du papillon : ça brille !

Il n'y a dans ces boites que des papillons exceptionnels. Vous avez reconnu l'écaille chinée ? Hebe ? de simples écailles Martre ? Il y a des lucanes quelque part, parce qu'on voit naturellement des coléoptères à Papillyon, et on aborde à peine les colias au milieu en bas ; et les Lycènes dont je ne vous ai pas encore parlé (disons "les petits-bleus", dont les femelles sont marron)

Papillons du monde à gauche ; papillons de France à droite, il y en a pour tout le monde !
(je vois pour ma part des Matronula dont la chenille vit deux ans avant de donner le papillon)

Vous avez remarqué les deux écailles chinées aux ailes postérieures jaunes ? Viendraient-elles de Saint-Malo ?

C'est la quête aux "récessifs" ! Dans la nature, dans la vie, les récessifs voient leurs caractères masqués par ceux des "dominants". Mais que l'on croise les papillons entre eux, et les lois de Mendel vont jouer, et faire apparaitre les récessifs dans des proportions mathématiquement prévisibles (et faibles, ce qui fait leur prix pour les collectionneurs). Alors les éleveurs croisent et recroisent et présentent leurs enfants. Tout cela s'applique aux humains naturellement, c'est vrai pour les blondes, et pour les blondes aux yeux bleus. Et pour les blondes+yeux bleus+mignonnes+malignes....! Mendel explique que c'est très rare.....

Par contre, je vous laisse le soin de calculer le pourcentage de chance qu'une rousse (vraie) ait les yeux verts, ET soit irlandaise !

Papillyon a lieu tous les ans. Il y a donc une session en 2011. Il faut que vous y alliez. On va être moins serrés à l'intérieur, et y voit des merveilles !


12 et 13 mars au double Mixte à
69100 Villeurbanne


dimanche 16 janvier 2011

Dessine moi un papillon !

lettre à Saint-Ex


A force de raconter les histoires de Zeus, je finirais par me prendre pour Dieu.

Vous savez, quand on veut comprendre comment marche un objet manufacturé par l’homme, le mieux est d’essayer d’en réaliser la maquette. D’abord cela vous oblige à dessiner un plan, donc de trouver les dimensions en 3 D, puis de diviser par l’échelle. Et il faut comprendre comment ça marche, donc démonter et reconstituer les mécanismes. Et puis il faut plier, former, coller la matière en exécutant les plans. La matière préférée des débutants est le carton ; parce-que ça se coupe bien. Pour les modélistes traditionnels, c’est le laiton qui se soude bien. Pour les modélistes contemporains, ils utilisent comme dans la réalité les matériaux composites, dont le carbone, parce qu’ils sont légers et se soudent avec des résines époxy.

Moi j’en suis à réinventer les jouets automobiles Citroën. André Citroën les a conçus à partir de 1922, en fabriquant de petites séries à l’échelle du 1/7°, ce qui donne pour une limousine une dimension de plus de cinquante centimètres : c’est gros et peut facilement être tellement détaillé qu’on dirait une vraie voiture. Mon matériau préféré est le laiton, dont l’emploi aboutit à des finitions de peinture laquées  identiques au vernis des vieilles voitures. J’en suis en ce moment à créer un prototype des auto-chenilles de la croisière jaune, conçus par les ingénieurs Kégresse et Hinstin en 1930. Vous me direz : « quel rapport avec les papillons ? ». Eh bien : je dois leur construire des caterpillar, et ça me permet de comprendre comment se déplace une chenille !

Des objets inanimés mais mécaniques, aux êtres vivants il n’y a que la différence de l’intelligence artificielle, et construire un robot est naturellement tentant ! Ma voiture, j’aimerais bien qu’elle ait un détecteur d’obstacles. Quand elle le sentirait à distance, elle rechercherait toute seule un itinéraire dégagé. Bref j’aimerais qu’elle se comporte comme un aspirateur-robot qui vous tient la maison propre pendant votre absence, en ne quittant une pièce que quand il l’a aspirée de fond en comble. C’est comme ça que j’ai construit mes caterpillar : j’ai acheté des pièces de robot, créées pour les étudiants canadiens, et ressemblant en modèle réduit à l’engin qui a véhiculé les premiers hommes marchant sur la lune.

Construire un engin qui roule sur le sol est bien. Il est cependant contraint par les forces de la gravité à  rester cloué par terre. Il y a mieux comme  pouvoir voler comme le rêvait Icare. J’ai comme tout le monde partagé ce rêve, et ai commencé à prendre mes premières leçons de pilotage à salon de Provence, quand nous habitions Arles. En réalité, mon souhait latent était d’en profiter pour contempler de haut le territoire dont j’avais la charge. Et j’ai souvent profité de circonstances climatiques défavorables, des inondations de la Crau ou des ruptures de la digue à la mer en Camargue, pour me faire affecter un avion ou un hélicoptère par la Protection Civile, au motif de faire l’expertise de tel ou tel dommage survenu à un canal d’irrigation. Ou à une digue… voire à repérer des endroits propices à la présence d’aristoloche susceptibles d’héberger des Thaïs, mais ça je me refusais de l’avouer à quiconque !

Quand j’était en charge de la Haute-Garonne à Toulouse, je disposais des forces de l’Office National des Forêts, pour la R.T.M qui signifie Restauration des Terrains de Montagne.

On n’y fait pas attention, mais si on ne veut pas que les talus des routes escarpées de montagne s’écroulent sur les voitures, il faut créer des ouvrages particuliers, des gabions, des terrasses ; des renforts ; des palissades de pieux, pour canaliser les torrents et contenir les futurs éboulis ; c’est comme cela qu’au dessus de Luchon, la ville est protégée par le barrage de Castelvieil, qui doit être toujours vide pour contenir les écoulements dus à la solifluxion des alluvions qui sont au-dessus, et menacent en permanence de s’ébouler ce qui serait embêtant pour les maisons construites dessous ! Tel les écuries d’Augias, il faut le vider en permanence pour que vide, il puisse jouer son rôle.

Comme pour amener le ciment sur les chantiers le plus simple est de les convoyer par hélicoptère, j’ai pu passer quelques heures à prétexter des repérages. Et j’ai réalisé un rêve : faire l’ascension du Port de Venasque au-dessus de l’Hospice de France. En automne avec les couleurs sublimes de la forêt pyrénéenne en cette saison. Et, porte déverrouillée, le buste à l’air, voler en rase-mottes jusqu’au sommet. Souvenir d’une ballade à pied quand j’avais sept ans, et que mon père nous avait fait faire cette excursion, accompagné d’un chien Patou berger des Pyrénées qui nous avait pris en affection !

Aujourd’hui, la miniaturisation des moteurs électriques leur permet de tourner à toute vitesse pour entraîner une hélice. Et la miniaturisation des accumulateurs au lithium rend possible d’embarquer sur un engin volant une source d’énergie. Les chinois s’en mêlant, nous exportent à bas prix de petits hélicoptères ravissants, ressemblant de loin à un gros bourdon. Ils sont télécommandés, et vous pouvez faire peur à toute la famille, en lui faisant croire qu’un coléoptère modifié génétiquement vient d’entrer dans le salon, et qu’il va coller à tout le monde le virus de la chikung gougna, alors qu’il s’agit seulement d’une espèce de drone. Mais quelle technologie il y a là dedans ! On nous prédit d’ailleurs des engins qui vont reproduire le vol d’une libellule, voler en stationnaire, reculer, et là ça va être extraordinaire !

Alors je me suis dit que je devais créer à mon tour un papillon.

Et je me suis demandé comment Dieu ferait.

(Comment en réalité il s’y était pris.)

J’imagine que Dieu a un réseau de relations gigantesque. Comme il est Dieu, il peut plus qu’un Préfet encore réquisitionner les ressources matérielles et immatérielles qui l’arrangent. J’ai pu souvent observer comment s’y prenait un Préfet. Il n’y a pas d’obstacles financiers vu que c’est l’Etat qui paie. Et que quand il n’a plus d’argent l’Etat emprunte ; il n’y a d’obstacles que techniques et organisationnels. « Quand on veut on peut », et comme disait André Citroën lui-même : « quand l’idée est bonne, l’argent n’est jamais l’obstacle pour la réaliser »

Alors Dieu (je suppose qu’il n’y connaît rien en technique : l’époque n’est plus aux Ingénieurs, mais aux avocats). Ou mieux, aux anciens de l’Ecole Nationale d’Administration. Quand on veut trouver des techniciens, on les réquisitionne. J’imagine que Dieu sort forcément de l’ENA ?

Dieu va donc chez Dassault Systèmes. C’est une entreprise créée par Dassault aviation. Et elle articule son offre logiciel autour de marques spécifiques à chaque grand domaine applicatif de son marché. Cette stratégie s'est à l'origine structurée autour des deux produits initiaux de l'éditeur, CATIA pour le monde de la CFAO et ENOVIA pour le monde du VPM. Elle a par la suite été renforcée au cours des différentes acquisitions du groupe. La distribution reste assurée par IBM grâce à un partenariat datant des premières années de la société. Ce partenariat a fait l'objet d'une redéfinition en janvier 2007.

J’ai peur que vous n’ayez rien compris. Pour moi, avoir CATIA à disposition est de disposer d’un ordinateur géant, travaillant en réseau, capable de conception assistée par ordinateur (CAO). C’est grâce à lui qu’Airbus a construit le 580 ; on lui fait réaliser des papillons en trois dimensions ; et il calcule lui-même les formes optimales, pour le vol. Pour la résistance des matériaux. Pour l’entretien futur (on dit la maintenance). Pour le coût (il faut que ça coûte le moins cher).

Vous savez que c’est précisément comme ça que des retraités de Dassault, ont participé au succès de l’hydroptère qui est le catamaran ayant la première fois battu le record de vitesse sur l’eau de 100Km/heure : il ne flotte plus, il vole ! Et il s’affranchit pour la première fois du frottement énorme de l’eau sur une coque, bien plus fort que le frottement de l’air !

C’est avec eux que je dois construire mon papillon artificiel !

Je vais commencer par les ailes.

Et survient alors une simplification : il y en a quatre, mais la nature a simplifié les choses, en créant une symétrie parfaite. Deux identiques mais inversées, de chaque côté d’un axe central. Dans l’axe central, on y viendra tout à l’heure, il y a la carlingue, qui abrite les fonctions vitales : pilotage artificiel ; réserves énergétiques ; bouffe embarquée ; ordures ménagères ; et bien sûr le moteur.

Donc on n’a plus qu’à inventer deux ailes, une à l’avant, une à l’arrière.

On va faire le plus léger possible : une lame, rigidifiée par des nervures. Ces nervures, l’ordinateur va nous être précieux pour les dessiner, de manière à ce que les ailes soient bien rigides. Résistent aux intempéries, et au soleil. Et aux oiseaux qui vont tenter de les bouffer.

Le résultat d’heures et d’heures de calculs, je vous en passe et des meilleures, est une lacune centrale allongée, renforcée à l’avant par un lacis resserré. Et sur le côté, une trame plus lâche faite de parallèles. Dans le coin, tout se rejoint, au point crucial de la charnière avec la carlingue puisque les ailes sont non seulement porteuses, mais motrices. Dans les avions, on a simplifié en inventant l’hélice ! Ici, le moteur central fait battre les ailes (d’où l’expression : un battement d’ailes), ce qui complique la mécanique, mais on ne peut faire autrement, ce que Dieu a fait on doit pouvoir le refaire !

Comme un bon dessin vaut mieux que toutes les explications du monde, le mieux est de vous faire voir et ça donne ceci :
Pour l’aile arrière, on a décidé (après des heures de palabres avec le bureau d’études qui ne voulait pas mais il s’est finalement plié à l’arbitrage de Dieu) de faire un avion qui puisse planer, comme un planeur. Et pour la stabilité du vol, de lui mettre des queues. Vous aurez remarqué qu’un cerf-volant a des queues ? Une queue pour commencer, on verra bien après si dans les modèles successifs, on en ajoutera deux ou davantage pourquoi pas ?
C’est allé beaucoup plus vite, car on savait qu’il était optimal de créer un ovale central. Et de là, de faire partir des renforts (j’oubliais qu’on les nommait des nervures). Dassault était un peu agacé, car tous ses ordinateurs tournaient jour et nuit. Il fallait payer des heures supplémentaires aux Ingénieurs, et certains comme à France-Télécom menaçaient de se suicider. Alors il a fallu faire appel aux Ingénieurs indiens, qui eux n’avaient aucune répugnance à travailler le dimanche vu que ce n’est pas jour férié chez eux. On a donc fini par y arriver sauf que Dieu a l’habitude de tout obtenir sans payer. Et que faire tout ça gratos était certes excitant, comme de créer un avion nouveau par exemple. Sauf que là ça ne servait strictement à rien. Et que ces recherches sans budget, c’est terrible, car qui paie ?

 Dieu étant ce qu’il est, n’indemnise jamais personne !

Et voilà l’aile arrière !

Quand on a terminé les ailes, on s’est aperçu que les ennuis ne faisaient que commencer. On avait quatre extrémités d’ailes, et il fallait les faire entrer dans la carlingue, et remplir celle-ci de tendeurs, de muscles juste aux extrémités, pour obtenir le fameux battement vertical, de bas en haut. Quand on dit ça c’est pire en réalité, car il faut qu’il y ait du jeu : le freinage par exemple, les virages ensuite, ne peuvent s’obtenir qu’en faisant jouer différemment les muscles en question, et je puis vous assurer que c’est d’une complexité infinie.

Mais c’est l’intérêt de disposer d’intelligences multiples. Et les Indiens qui sont des cracks en informatique ont été vraiment super, et ont fait les plans des muscles nécessaires, finalement moins compliqués qu’on pouvait craindre. Les muscles en question ont été sous-traités aux chinois, toujours eux, parce qu’ils ont l’habitude des micro-mécanismes, et qu’ils ont des prédispositions pour faire voler les cerf-volants, alors on a voulu leur faire plaisir. Je ne veux pas savoir s’ils ont récupéré des boyaux de chats et chiens comme matière première. Ou pire encore !

Les muscles ajustés, le reste devenait routine : pour l’alimentation, on avait l’habitude chez Dassault du ravitaillement en vol, et on a immédiatement adapté un système de tuyau enroulable qui a fait office de trompe. L’évacuation des déchets par un intestin artificiel a été transposé des machines utilisées dans les hôpitaux. Pour faciliter la motricité, on a rangé le tout dans un système extrapolé des bateaux en caoutchouc de la marque Zodiac, avec des boudins comme un Zodiac justement.

Et il n’est plus resté que les organes des sens. Pour la symétrie, on a mis deux caméras de surveillance classiques, avec des facettes pour obtenir une vision à 360° mais ces dispositifs étaient devenus courants et on s’est contenté de modèles du commerce. Pour les pattes, on a transposé des pinces de crabes et autres crustacés qui sont efficaces pour le tout terrain et s’accrochent à tous les supports dans toutes les manœuvres au sol et les atterrissages. Et comme intelligence artificielle, Dassault disposait d’ordinateurs primitifs qu’il a recyclés sans que Dieu (qui n’est pas technicien je vous le rappelle) y voie que dalle !

Et on a créé le premier papillon artificiel. On a nommé ce modèle Papillon Version 1, soit V.1 en abrégé. Il n’avait pas encore d’organes reproducteurs car l’essentiel était qu’il volât. On a procédé aux premiers essais en le lâchant en l’air depuis un hélicoptère. Et il est redescendu aussitôt en planant comme un vrai planeur, il était bien équilibré, tous les modélistes même débutants savent faire ça.

On a fait jouer la télécommande, et il a basculé à droite, faisant des ronds (une vrille disent les aviateurs) pour atterrir là où l’on voulait. Batterie rechargée, un battement d’ailes, et il est reparti.


Bingo, je suis Dieu, j’ai créé un papillon !

Oui, je sais, ça  c’est la version du tout début : je n’ai pas l’autorisation de vous donner la photo du modèle actuel, Dassault ne veut pas qu’on fasse de la pub avant d’avoir les ultimes brevets !

Il avait au moins deux inconvénients majeurs : aucune typicité pour être reconnu comme un modèle Dassault. Et pas de fonctions sexuées, pas de capacité à se reproduire, donc aucune fonction lui permettant d’obtenir le logo « durable » indispensable dans une société écologique.

Alors on est allé voir une sexologue. Elle a d’abord cru que j’avais (elle ignorait qu’elle parlait à Dieu) des problèmes de couple. Non. Puis elle a cru que j’avais des problèmes d’érection ! (Dieu m’en garde…). Non : je voulais seulement un avis professionnel. J’avais décidé de sexuer les sexes. De créer des mâles et des femelles. J’ai longuement hésité : j’avais une machine volante. Un peu anonyme et simpliste, mais bon !

Je voulais qu’elle se reproduise. La facilité était de ne faire que des femelles, et d’imposer la parthénogenèse. Les femelles ne faisaient que des femelles. Et toutes faisant des femelles par parthénogenèse, l’univers des femelles devenait majoritaire, et elles ne risquaient pas d’être détrônées par une quelconque espèce concurrente…

Je m’y connaissais en matière d’évolution ! J’avais lu Darwin !

Si l’on inventait les mâles, (qui ne serviraient en pratique à rien sauf d’apporter un bout de patrimoine génétique), on n’avait que 50% de femelles à l’arrivée certes. Mais les mâles apporteraient de la variété, et on a vu que la variété c’était la richesse de la vie.

Puisque comme le répète Edgar Morin : « tout organisme qui ne se régénère pas dégénère » !

Alors j’ai choisi la reproduction sexuée, comme l’aurait fait Dieu lui-même dans sa grande sagesse. Du moins si l’on croit qu’il est le grand architecte de l’Univers, mais moi je n’ai trouvé personne d’autre ! Et vous voyez, j’essaie ! Et pour que ça marche entre les sexes, il faut que les femelles attirent les mecs. On n’y échappe pas ! Donc qu’elles offrent quelque chose d’irrésistible : la beauté certes. Mais quelque chose de plus encore : des sensations extraordinaires. Oui, des sens qui soient excités : la vue (la beauté). L’odorat (des parfums capiteux). Et un déclic physique et mental : l’orgasme … nous sommes chez les papillons !

Dassault Systèmes a été à nouveau réquisitionné (je suis Dieu ou pas ?). Il a inventé les phéromones, en sous traitant à Lagerfeld. Ca je ne l’ai appris qu’après, qu’ils avaient mis le Channel numéro 5 comme étalon dans des parfums qu’ils ont nommés phéromones. Il a fallu inventer des émetteurs chez les femelles, sortes de pulvérisateurs utilisés dans la parfumerie, c’était facile. Et des récepteurs chez les mâles, des capteurs spéciaux genre nez comme ceux dont disposent les goûteurs de grands vins dans les caves de Bordeaux. J’ignore qui a eu l’idée de positionner ces capteurs au bout d’une tige flexible orientable fine comme des moustaches de chats. Plus tard on a généralisé les antennes de télévision mais c’est à cette occasion qu’elles ont été inventées !

Et on a couru les désigners, car que le papillon vole était bien. Mais vous savez qu’un objet réussi doit flatter les yeux, ce qu’on appelle généralement l’esthétique doit être conçu par un désigner. Comme Starck qui est maître en déco, ou Jacques Garcia qui vient de livrer la Mamounia nouvelle formule à Marrakech.
Et ça a donné ça !
Quand je regarde attentivement, ça ressemble à un papillon. Ca ressemble à un planeur.

Ca fait galerie d’art New-Yorkaise comme dans les films de Woody Allen.

On a tenté de faire des yeux pour faire joli, et aussi pour faire peur.

Je ne sais pas pourquoi, ils sonnent faux ces faux yeux !


Je ne suis pas si content que ça, comme quand on a gagné en ayant triché.

Alors on a changé de formule, et on a pris un peintre dadaïste avec un cahier des charges précis pour que ça ressemble à un Machaon sexué.


Et ça a donné ça !


Saint-Ex lui ne se serait pas cassé, il aurait dessiné une boite,

(une boite à papillons sans couvercle vitré,
ça existe en vrai !)


N’est pas Dieu qui veut !







Hospiton


ou Bonaparte prend le maquis

je vous explique plus loin pourquoi je n'ai que ce souvenir !

 
Dans un parcours qualifiant d’Ingénieur du Génie rural, des Eaux et des Forêts tel que je l’ai connu à partir des années 1969, ancien Ingénieur agronome de L’institut National Agronomique de Paris de surcroît, il aurait fallu séjourner en Afrique ; y découvrir la pureté originale des civilisations précédant la nôtre (occidentale, développée, démocratique et productive) ; y porter les valeurs de la dite civilisation ; y devenir le porte-parole de Mao Tsé Tung (mieux vaut leur apprendre à pêcher plutôt que leur exporter notre poisson… quoi-que…) ; devenir un french agricultural engineer. Forer des puits (s’il n’y a pas d’eau salée car sinon, elle détruit tout) ; irriguer des cultures vivrières. Ah oui : créer des coopératives. Inventer le micro-crédit ; lancer le commerce équitable. La forêt durable, et le bois reproductible. Quand j’y pense, que de regrets…

Sauf que nommé Directeur départemental de la Haute-Corse à Bastia en 1985, j’ai eu tout ça à faire pendant près de trois ans.

L’économie agricole corse s’était réveillée lors de l’occupation de la coopérative d’Aléria dix ans auparavant en 1975, et je dois dire qu’il ne s’était pas fait grand chose dans les dix ans précédant mon arrivée. Erreur : les romains avaient découvert deux mille ans auparavant les vins de Patrimonio, et les vins de qualité qui font toujours l’honneur de l’Ile, et ça c’était dans la partie positive du bilan. Charcuterie traditionnelle, fromages odorants aussi. Non ce qui collait mal, c’était que nos amis rapatriés chassés d’Algérie en 1962 avaient pris pied sur l’Ile, et s’étaient mis dans la tête d’y reproduire le modèle de développement d’Afrique du Nord : planter et développer la culture des agrumes ; du vin de consommation courante dans la plaine d’Aléria, des arbres fruitiers avocatiers et amandiers, et même du maïs. Normaliser l’élevage. Et rentabiliser la forêt de pins Laricio. Créer une économie insulaire développée Tout cela en protégeant une ressource naturelle exceptionnelle : une montagne les pieds dans la mer ; Des espèces rares. Tous les gages d’un tourisme de qualité en plein centre de la Méditerranée.

Et tout ça, à la barbe des Autochtones, en leur donnant le sentiment de leur donner des leçons de Progrès : on va la développer votre Ile, que ne l’avez vous fait comme nous avant  !

Et on me demandait, à moi simple Chef du service d’Arles, de m’engager dans cette mission !

Comme si on m’avait envoyé en Afrique !

Sachant qu’en Corse, on est un peu en Afrique : il y a des palmiers  ; de petits ânes partout. Une colonie arabe qui justifie un Consul marocain spécial. Des orangers. La mer bleue. Des villes blanches…j’estime avoir l’équivalent d’une expérience africaine du moins du nord de l’Afrique !

Et je suis devenu Directeur de l’agriculture et de la forêt. Et j’ai dirigé une soixantaine de collaborateurs. Et j’ai passé des jours et des nuits et des dimanche aussi à lire les dossiers, mal rangés de surcroît, comme le Plan Agrumicole Corse, plan financé par l’Union européenne qui visait à transformer le verger local produisant de petites mandarines pendant la courte période de Noël en verger produisant de grosses mandarines pendant une période plus grande. Tu parles : ça supposait arracher le verger ; le replanter ; le sur-greffer avec des plants vierges de tout virus fabriqués de l’INRA de San Guliano. Et rémunérer les exploitants pendant la période de trois ans pendant laquelle ils n’avaient pas de récoltes.

La chasse aux papillons ? N’y pensons plus ! Je n’y ai jamais plus pensé…..

Encore que….

Quand on emménage dans l’Ile, il y a des contraintes pratiques : il faut se loger. Disposer des meubles minimaux. D’électro-ménager. De vêtements propres pour aller au bureau… Donc on déménage (sur un bateau de marchandises à l’époque), pendant qu’on prend le ferry  spécialisé dans le transport des passagers et des véhicules. Les boites Blanchard prenaient dans leurs emballages spéciaux une place folle : restées dans la cave d’un ami sur le continent ! Elles ne ressortiront qu’à Toulouse au retour ! Intactes malgré l’humidité grâce à leur conception exceptionnelle.

Un directeur qui se montrerait le dimanche avec un filet à papillons ? La presse en ferait immédiatement les gros titres : « un continental s’attaque à la biodiversité de l’Ile ». « Mais où se croit-il ? aux colonies ? ». « Qu’il retourne sur le continent » !

Non, c’était impossible !

Et pourtant je savais grâce à Darwin qu’il vivait sur place plein de papillons endémiques ! Et moi qui voulais connaître les Papilio de la Méditerranée, j’étais dans les conditions idéales !

Et il y avait Hospiton !


Achille Guenée (1 January 1809 - December 30, 1880) was a French lawyer and entomologist.

He was born in Chartres and died in Châteaudun.

He was educated in Chartres where he showed a very early interest in butterflies encouraged and taught by François de Villiers (1790-1847). He went to study “Le Droit” in Paris then entered the “Bareau”. After the death of his only son, he lived at Châteaudun in Chatelliers. During the Franco-Prussian War of 1870, Châteaudun was burned by the Prussians but Guénée’s collections remained intact.

He was the author of 63 publications, some with Philogène Auguste Joseph Duponchel (1774-1846). He notably wrote Species des nocturnes, or, in English Night species (six volumes, 1852-1857) forming parts of the Suites à Buffon. This work of almost 1,300 pages treats Noctuidae of the world. Also co-author, with Jean Baptiste Boisduval, of Histoire naturelle des Insectes. Species général des Lépidoptères (vols 5-10, 1836-57).

He was a founding member 1832 of the Société Entomologique de France, (1832) and was president in 1848 then honorary member in 1874.

Je vous ai joint cette note de Wikipedia car elle cite les noms des entomologistes des années 1850, période faste où les grands scientifiques s’intéressaient à notre domaine, et décrivaient les espèces. C’est A.Guenée qui décrit Hospiton en 1839.

Hospiton : the corsican swallowtail ! Der schwalbenschwanz ! la „queue d’hirondelle corse“ ! Le cousin de Machaon : il lui ressemble et il ne lui ressemble pas. Il faut voir les chenilles pour constater qu’elles sont vraiment différentes. On ne le connaît au monde qu’en Corse et en Sardaigne ! Ce serait une relique himalayenne… !


Je ne puis pas séjourner dans l’Ile de beauté sans voir Hospiton dans son biotope !


Que dit la littérature ? « le Porte-Queue de Corse est un insecte lépidoptère de la famille des papilionidés. C’est concis ! Envergure : 34 à 38 mm ; Période de vol : avril à juillet en une seule génération. Habitat : maquis des régions montagneuses, jusqu'à 2000 m. Plantes-hôtes : ombellifères. Localisation : Corse et Sardaigne. »

Impossible entre parenthèses de trouver où Linné à moins que ce soit Guené, a trouvé ce nom. J’ai imaginé qu’Hospiton était docteur comme Machaon et Alexanor, ce qui aurait donné une logique à l’intitulé : rien. La seule racine qui pourrait faire l’affaire : hospitus latin, qui donne hospitalier, pourrait donner au génitif : hospitum. Mais pas hospiton. Pourtant, l’hospitalité corse ? Et en grec je n’ai rien trouvé ! A suivre si vous avez une idée ?

En pratique, pour le trouver, il faut aller en altitude. Il faut repérer la plante-hôte : notamment Ruta Corsica C'est elle aussi une espèce endémique de Corse et de Sardaigne où elle croît surtout sur les graviers et dans les rocailles qui bordent les torrents de montagne. Les feuilles sont divisées en nombreuses folioles ovales. Les fleurs ont des pétales blanchâtres, crénelés. Les lobes de la capsule sont aigus.


Quant à Ferula communis, impossible de la rater : c’est la Férule, une plante dont la croissance est spectaculaire au printemps, puisque en quelques semaines la tige peut atteindre deux mètres. Cette espèce est commune dans le bassin méditerranéen, mais rare en France continentale, sauf à Cahors, où vous imaginez bien que mon Maître en avait replanté ! Les feuilles sont divisées en lanières allongées. Comme le fenouil que mange la chenille de Machaon. Les fleurs jaunes sont groupées en grosses ombelles sphériques.

La férule était une baguette utilisée dans l'Antiquité pour corriger les enfants (du verbe ferio, je frappe). Mais le nom de cette plante vient du verbe fero, je porte. Elle servait en effet à conserver et transporter le feu.

Mais surtout, elle est toxique : ses parties aériennes et racines contenant un latex toxique, surtout en début de période végétative : plusieurs hétérosides à activité coumarinique (férulenol, ferprénine...). C’est lors de mélange avec le fourrage ou lors de disette que  les bovins, ovins, équins et porcins s’ils en mangent peuvent avoir les symptômes de réaction : installation progressive avec diminution puis disparition de l'appétit, in-rumination, prostration. On observe alors un syndrome hémorragique (épistaxis, pétéchies sur les muqueuses, hématurie, diarrhées hémorragiques et ictère) évoluant vers la mort. Vous voyez que j’ai fréquenté les vétérinaires !

Alors, avec les vaches (corses) étant lâchées dans le maquis, vous pensez bien que la férule, les éleveurs les coupent ; en pratique, ils mettent le feu au maquis, qui fait de l’ombre à l’herbe et empêche tout bêtement de pénétrer,  tellement les plantes arbustives forment un lacis impénétrable, pour qu’il pousse de la bonne herbe à la place. Et ça fonctionne !

La chenille d’Hospiton, qui dévore les feuilles situées au pied, n’a alors qu’à bien se tenir !

Alors sans filet, je me mets à chercher. De Bastia, je pars vers le centre de l’Ile, traverse la Castagniccia. En profite pour suivre le chemin de fer métrique ; pour m’extasier sur les aller-retour de la voie à Vivario pour franchir la forte pente. Comme à Darjeeling dans l’Himalaya ! Rien. J’ai perdu mes repères. Je reste continental. Je suis devenu un fonctionnaire d’autorité civilisé. Je ne sens absolument plus papillon ; Je n’ai aucun point commun avec Hospiton.

C’est grave !

Il faut trouver un vrai Corse du coin ! Il faut demander à un naturaliste ! un chasseur !

Dans mon boulot forcément je rencontre les chasseurs, la Fédération départementale des chasseurs corses : Ils gèrent la faune sauvage. Ils sont pour certains Officiers de Louveterie. Organisent les chasses au sanglier (sauvage). Des battues. Ils connaissent le maquis. Les férules. Ils doivent pouvoir me renseigner ?

Il y a notamment Dominique Mezzadri. Le Président lui-même de la fédération départementale. Je lui fais des discours de clôture lors de ses Assemblées générales annuelles. Il est vice-président de la fédération nationale, et sa carte de visite est pleine de références plus prestigieuses les unes que les autres. Région cynégétique Midi-Méditerranée. Conseil National de la Chasse et de la faune sauvage. Président d’honneur de la Société d’ornithologie et de protection des oiseaux de Roumanie…

Un détail qui a son prix : c’est le sosie de Bonaparte, de Bonaparte au pont d’Arcole !

Et ce qu’on ne dit pas dans les biographies, c’est le demi-frère de Paul Giaccobi, le Président du conseil Général de Haute-Corse, mon interlocuteur pour tout ce qui concerne les questions d’Aménagement Rural ! Je vais le voir chez lui, découvre son amour pour les tapis persans qu’il possède en grand nombre. Tu parles, sénateur, il séjourne en permanence à Paris, et il y connaît les bonnes adresses. Je lui propose pour limiter les incendies de maquis (car les arrêter est impossible) de créer une politique de traitement des ordures ménagères et de résorption des décharges sauvages, qui sont en permanence en train de brûler. Et j’obtiens son accord ! J’obtiens aussi son accord pour aider à l’assurance des vaches errantes dans le maquis, car assurées elles seront identifiées par leur propriétaire, qui ne pourra plus dire qu’elles ne sont pas à lui quand elles se baladent sur les routes, risquant de causer des accidents. Et les nourrissant normalement, les exploitants ne ficheront peut-être plus le feu aux férules pour qu’elles ne collent pas de maladies aux vaches ?

Je suis en pleine utopie créatrice, mais seule l’action fait vivre, et je dois bien participer à la survie d’Hospiton.

Et j’ose le dire à mes interlocuteurs : je veux le voir cet Hospiton.

Et je suis invité à Venaco, chez le Président soi-même. Il y a le président. Son demi-frère sosie de Bonaparte et Président des Chasseurs devenu mon ami. Il y a la maîtresse du Président et son chien Milou qui chante ! Et le Président a organisé un barbecue de saucisses dans le jardin. Et ils me disent que le jardin, justement, c’est une plage de vol d’Hospiton qu’ils connaissent bien et qui viendra en voisin car il habite pas loin.

Je me demande où je suis, et fais gaffe à ne pas dire de bêtises !

Et on mange des saucisses. Et à la fin du repas, le chien qui est un caniche en réalité se met à la demande du Président sur ses pattes de derrière (ça s’appelle faire le beau) et se met à chanter tel Michael chien de cirque, le livre de notre enfance ! Et je me demande où je suis et ne dis rien, rongeant mon frein comme on dit.

Et là, dans la fumée du barbecue, je les vois !

Deux Hospiton arrivent, comme on m’avait dit. Et ils tournent en rond, visiblement attirés par le fumet de la saucisse. Ils voudraient leur part. Et ils me narguent !

Je n’ai évidemment ni filet ni appareil photo, et ne puis que les contempler sans avoir le droit de les attraper. Encore moins de les mettre plus tard en boite !

Voilà mon souvenir d’Hospiton : je l’ai vu, pas pris. C’est peut-être plus moral ainsi : au moins, je n’aurai pas contribué à une quelconque atteinte de l’espèce.

Quelques mois ensuite, Dominique m’écrit, avec sa célèbre carte de visite pleine de références prestigieuses. Il comprend que j’aie pu être frustré, et il m’envoie deux Hospiton capturés à Venaco, dans leur papillote ; car il sait chasser les papillons, vu qu’il a participé en Afrique à la lutte contre le criquet pèlerin, et que des filets, il en a. C’est un véritable entomologiste.


 
Merci donc à Bonaparte pour Hospiton !

Et que le maquis te protège des continentaux,
beau Papilio endémique, fierté de Kallisté,
l’ile de Beauté !

Vanessa atalanta

vous avez déjà vu cette boite de vanessa et Io au centre. Mais cette fois, nous nous intéressons
aux papillons de gauche. Le vulcain en bas colonne 2 devrait vous intriguer !

l’évolution dans îles
ou Darwin avait raison


Le genre Vanessa regroupe des papillons de la famille des Nymphalidae. Ce genre est représenté sur tous les continents et comprend deux espèces à large répartition : le vulcain et la belle-dame (vanesse du chardon). Certains papillons appartenant à des genres voisins, en particulier nymphalis sont parfois appelés vanesses. Comme vanessa signifie papillon en grec, on est pile au centre de notre sujet sur les papillons !

Ce sont des migrateurs qui peuvent parcourir plusieurs milliers de kilomètres, et de même qu’on voit les palombes passer les cols des Pyrénées, on peut si l’on a de la chance observer le passage de files de Belle dame, volant bas en altitude, en file indienne, arrivant chez nous depuis l’Espagne.

On les trouve tous les deux couramment dans les jardins, à condition qu’il existe des orties à proximité puisque c’est la plante nourricière de la chenille du Vulcain. Ou des chardons, plante nourricière de la Belle Dame. Il est impossible que vous n’ayez pas remarqué ces papillons communs. Le nom de la belle dame est pour une fois facile à comprendre puisque cette Dame est belle à n’en pas douter, ses couleurs chatoyantes sont attirantes, et font un contraste parfait sur des fleurs bleues de lavande en été.

Pour le Vulcain, Linné en 1758 s’est inspiré une fois de plus de la mythologie grecque, et il a multiplié les sources d’inspiration en fixant le nom commun de Vulcain ; et en ajoutant le nom latin d’Atalanta. S’il avait été Anglais, ou Allemand, il aurait simplifié les choses en prenant le nom d’Amiral, ou red Amiral, qui désigne la bande rouge traversant l’uniforme noir des ailes antérieures.

Vulcain est le dieu du feu, des métaux et de toutes les matières qui brûlent, des volcans et des forgerons. Les armes prises à l'ennemi lui étaient consacrées.

Il a pour domaine les volcans. Sa propre forge se trouve dans les îles Lipari, dans une des îles Éoliennes (couverte de rochers, dont le sommet vomit des tourbillons de fumée et de flamme ; c'est du nom de cette île, appelée autrefois Volcanie, aujourd'hui Vulcano, qu'est venu le mot Volcan) ou sous l'Etna, en Sicile. Là, il confectionnait des armes avec l'aide des Cyclopes, notamment les armes d'Énée. C’est le feu de la forge de Vulcain qui rougeoie sur les ailes de notre papillon.

Par contre, le rapport avec Atalante est moins évident :

Dans la mythologie grecque, Atalante (en grec ancien Άταλάντη / Átalántê) est une héroïne présente dans deux traditions différentes.

Dans la version arcadienne, elle est la fille d'Iasos, roi du Péloponnèse, fils de Lycurgue, et de Clymène, fille de Minyas. Iasos c’est Jasius, qui a donné son nom plus haut à notre Charaxes. Comme Iasos-Jasius ne voulait pas de fille, elle fut abandonnée à la naissance, et recueillie par une ourse dans la forêt du Pélion. Des chasseurs enfin la trouvèrent et l'élevèrent ; elle devint une chasseresse redoutable, se distinguant notamment à la chasse du sanglier de Calydon. Elle fit, comme Artémis, vœu de virginité. Ainsi périrent sous ses flèches deux centaures, Hyléos et Rhoécos, qui tentèrent d'abuser d'elle. Il semble qu'elle épousa cependant Méléagre. Elle fut l'unique femme à faire partie des Argonautes aux cotés de Jason.

Jason pas Jasius, je vous l’ai déjà dit !

Dans la version béotienne, elle est la fille de Schœnée, fils d'Athamas. Son père souhaitant la marier, elle ne voulut prendre pour époux que celui qui pourrait la battre à la course ; ceux qui échoueraient seraient mis à mort. De nombreux prétendants moururent ainsi, jusqu'à ce que se présente Hippomène, qui aidé d'Aphrodite, laissa tomber trois pommes d'or (celles du fameux jardin, mais on pense que c’étaient probablement des coings) données par la déesse dans sa course ; curieuse comme le sont les femmes, la jeune fille s'arrêta pour les ramasser, et fut ainsi devancée à l'arrivée. Mais par la suite, les amants s'étant étreints dans le temple de Déméter, furent changés en un couple de lions, attachés au char de la déesse.


Notre Amiral est bien revêtu de la pourpre de Vulcain. Mais si l’on regarde de près, on retrouve les marques blanches, semblables à d’ocelles de lumière, qui le rendent invisible posé sur une feuille de l’arbre fruitier de votre jardin. Et puis, à la place des ocelles caudales de Machaon, il arbore les mêmes deux traits bleus cernés de noir, qui vont lui permettre de berner les oiseaux chasseurs. Tant qu’à faire, le grand peintre de l’Univers lui a peint des leurres semblables au bout des ailes antérieures.

De côté, il est juché sur seulement quatre pattes. Et peut cacher ses ailes antérieures peintes en rouge dans les ailes postérieures. Celles-ci sont des merveilles de camouflage, que ce soit dans les dessins, la couleur des zébrures, des taches et des ocelles.


Quand on élève les papillons, il est facile de les faire manger comme on nous ferait  une perfusion : ils adorent l’eau sucrée qu’ils sucent par leur trompe, comme ils le font des fruits mûrs et mieux un peu avancés qu’ils sucent dans le jardin.

Rien de plus facile que d’élever la chenille sur les orties : elle ressemble (et c’est normal puisqu’ils sont parents) à la chenille de Vanessa Io dont nous avons déjà parlé. Comme le paon du jour, le Vulcain hiberne au cours de l’hiver, et si vous possédez une maison accueillante, vous risquez de l’héberger (à votre insu) dans quelque coin protégé des intempéries. Il se réveillera aux premiers beaux jours du printemps et alors la femelle commencera à pondre sur les orties.

Quand nous avions notre ferme du Gers, nous avions peint le salon d’une fresque jaune envahie de rouge, pour en faire un endroit flamboyant. Et Geneviève notre amie peintre, avait signé son œuvre d’une vanesse, hibernant ainsi pour l’éternité.

C’est un papillon photogénique, et les peintres flamands du XVIIIè siècle adoraient le faire figurer sur leurs natures mortes. Le jeu quand on est peintre, est de tenter d’imiter la nature, et de s’exercer au rapprochement des couleurs complémentaires, le bleu et le rouge notamment, qui juxtaposées font le plus bel effet. C’est le but des natures mortes, qu’elles représentent des bouquets de fleurs ou de fruits. Et pour leur donner la vie, il n’y a rien de mieux que de poser quelque part un Vulcain en train de boire. On lui met l’ombre propice. Et quand il prend vie, le tableau a l’air vrai.


Il existe un autre Vulcain, plus Vulcain que le nôtre : c’est Indica, ou Vulcania : cela s’explique : ses bandes rouges, qui ne vont pas jusqu’au bout des ailes antérieures, sont plus étendues que chez  le nôtre ! Il existe un point noir devant, et l’effet flash est superbe. Par contre, les petites taches bleues ont disparu.  Dessous aussi le rouge est plus étendu, même s’il se cache aussi dans le camouflage des ailes postérieures.

On trouve Vulcania dans les îles Canaries. Il donne envie de rechercher les papillons des Iles : comme nous l’a expliqué Darwin, on a toutes les chances en effet dans les îles de trouver des espèces particulières, présentant des spécificités causées par le blocage de l’évolution, et c’est notre premier exemple.

Quand nous voyagerons en Corse et en Sardaigne, nous en aurons un second exemple illustre avec Hospiton. Mais cela, comme dirait Kipling, sera une autre histoire….

Les papillons migrateurs nous invitent au voyage. C’est ainsi que l’on découvre la biodiversité, et la richesse de la vie. C’est quoi la richesse ? la vraie réponse pour nous, n’est pas l’argent, la capacité d’acheter, a priori un objet manufacturé inventé par l’homme (la fameuse Rollex ?). Car s’il n’y a rien à acheter, que va-t-on faire de son argent ! Pour les naturalistes, la richesse c’est la diversité. Dans la nature, la richesse c’est la diversité de la vie. La variété du patrimoine génétique. Nous découvrons qu’à la fois cette diversité est infinie, puisque qu’aucun coin de la planète n’est aujourd’hui plus vierge de présence humaine. Et qu’elle est menacée, puisque nombre d’espèces disparaissent sous nos yeux.

On commence à compter les papillons, les plantes qui les nourrissent, et on se décide enfin à les protéger.

Même Vulcain a aujourd’hui besoin qu’on l’aide !




samedi 15 janvier 2011

Podalirius (le frère de Machaon)


Le flambé, le papilio planeur


de l'oeuf à l'adulte. Chercher feisthameli du Canigou
 Je confesse avoir un faible pour les Papilio, et je crois bien que je vais finir par tous les passer en revue !

Enfant notre père nous emmenait pendant les vacances scolaires dans sa ville natale à Saint-Paul-lès-Dax, la ville aux eaux de source souterraines, voisine de Dax célèbre pour ses eaux chaudes déjà utilisées par les Romains. La maison de famille se situait en périphérie, entourée d’un grand jardin, dans une zone boisée avec platanes, acacias, et grands tilleuls. Je vous ai déjà raconté que je me  prenais pour le fils de Pagnol, mon père instituteur m’ayant imprégné de sciences naturelles, et me faisant observer les espèces animales, en particulier les papillons. Il a conservé cette passion toute sa vie, non pas tellement comme collectionneur, mais comme cinéaste amateur, à l’époque du cinéma super 8 d’abord. Puis avec l’évolution de la technologie,  grâce à une caméra vidéo offerte pour ses quatre-vingt ans. Il a produit des films remarquables dont le plus abouti s’appelle : « les noces de Machaon », et montre les étapes de la vie de l’insecte depuis les amours, jusqu’à la ponte, puis la vie de la chenille. Papa filme pendant l’été. Et monte ses prises de vue l’hiver à l’abri des intempéries. On regarde cela sur l’écran de la télévision pendant des heures. Dans la famille, on a depuis toujours la précaution de semer du fenouil dans le jardin, et autres plantes appropriées : cela permet depuis toujours d’héberger les chenilles pendant la belle saison. Et donc d’observer leurs mœurs.

Que faire de ses vacances quand on est gosse dans les années 50 ? Partir au bord de la rivière Adour pêcher des gardons. Découvrir la pêche au lancer. Prendre des brochets et autres perches. C’était toute une expédition car il fallait partir à pied, traverser la voie de chemin de fer en ouvrant les célèbres barrières en fer signalées par le panneau émaillé « attention ! un train peut en cacher un autre ! ». Circuler sur les voies déjà électrifiées des Landes où avaient commencé de tomber les premiers records de vitesse. On était en 1955. Rejoindre à Castetcrabe les aires de l’Adour, inondées l’hiver, asséchées l’été, et pêcher.

Il y avait une autre occupation fascinante : à proximité de la maison, une belle villa Art-Déco était entourée de vieux tilleuls. L’été les arbres se couvraient de fleurs, pour produire des fleurs de tilleul naturellement, et l’odeur était intense. Et le spectacle magnifique : de grands papillons jaunes planaient inlassablement au sommet des arbres. Ils avaient une forme de triangle, une aile volante à l’avant ; et deux queues rapprochées à l’arrière. Des cerf-volants majestueux, allant et revenant, se posant de temps à autre sur une feuille, inaccessibles ; et reprenant leur vol inlassablement. Le filet à la main, le jeu consistait à attendre comme un chat qu’ils veuillent bien descendre à proximité, mais cela n’arrivait jamais.

C’étaient des Flambés comme on dit en langage vulgaire. Iphiclides Podalirius quand on veut paraître savant. J’ai du plus tard conserver la frustration de ces chasses infructueuses, et ai fini au cours de ma vie montalbanaise par bien connaître ce bel insecte. Il faut que je vous parle plus longuement de Podalirius, le frère de Machaon dans la mythologie, mais comme c’est souvent le cas dans les familles, ils ne se ressemblent pas. Pas plus que les deux fils d’Alcmene d’ailleurs. Je vais vous expliquer pourquoi.

Vous allez une fois de plus pouvoir juger de la pertinence avec laquelle leurs noms ont été donnés aux papillons : dans le cas d’espèce, il s’agit de Linné déjà cité. Manifestement, il avait des connaissances très précises de l’histoire grecque. Et nous n’étions qu’en 1758 ! Mais c’est peut-être parce qu’à cette époque, il n’y avait pas tellement d’autres distractions ?

Voici donc l’histoire du « frère » en question !

Podalirius est le fils d'Asclépios et d'Epioné (ou Lampetia). Il partit avec son frère Machaon à la tête d'une compagnie de Thessaliens à la guerre de Troie. Ca vous connaissez ? La belle Hélène !  Aussi habile que son père dans l'art de la médecine, il mit ses dons au service des Grecs pendant toute la guerre, et fut le seul avec Machaon à pouvoir guérir la terrible blessure de Philoctète. C’était un médecin militaire  !

Il soigna aussi Acamas et Epéios qui s'étaient gravement blessés à la boxe à l'occasion des jeux funèbres célébrés en l'honneur d'Achille

Après la victoire, Podalirius quitta Troie avec Calchas, Amphilochos et quelques autres héros. Il parvint à Colophon, où Calchas mourut. Il consulta l'oracle de Delphes, dont nous avons déjà parlé, qui lui conseilla de s'établir dans un pays où « le ciel touchait la terre ». Après réflexion, Podalirius s'établit à Syrnos en Carie, où les hautes montagnes semblaient soutenir les cieux. Il épousa Syrna, la fille du roi. Et on suppose qu’ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

Linné vous vous rappelez met toujours deux noms. Il faut donc que je vous explique Iphiclides !


Iphiclus ou Iphiclides est le fils d’Amphytrion et d’Alcmene.

Encore une histoire !

Iphiclides, on en parle surtout comme « le fils de… ».

Dans le cas d’espèce, le fils d’Amphytrion certes, mais de sa mère Alcmène, qui paraît une forte (et splendide) femme puisqu’on lui prête les talents d’Aphrodite  !

Fille d'Electryon, roi de Mycènes, et d'Anaxo, Alcmène épousa donc son cousin Amphitryon, roi de Tirynthe.

Mais Alcmène qui était rusée et savait faire marcher les hommes, refusa de consommer le mariage tant que son époux n'aurait pas vengé ses huit frères tués par des Tapiens venus leur voler des troupeaux. Vous vous rendez compte : c’est la seule fille d’Electryon, fils de Persée, Haut Roi de Mycènes et mari d'Anaxo. Elle a huit frères. Et son père est engagé dans une expédition punitive contre les Taphiens et les Téléboens qui lui ont fauché ses troupeaux. A cette occasion, ils prennent chèvres, vaches et montons et en prime lui trucident ses huit fils !

Amphitryon s’exécute, et averti par le roi d'Elis que le troupeau volé était à présent en sa possession, paye la rançon demandée. Il demande à son beau-père d'identifier le troupeau. Electryon est furieux qu'Amphitryon ait payé la rançon, et  demande sèchement de quel droit les Éléens ont le culot de revendre à son propriétaire un bien volé. Et comment Amphitryon peut tolérer une pareille escroquerie. Amphitryon vexé est furieux à son tour, et se défoule en lançant une massue sur une vache qui s'était écartée du troupeau. La massue frappe les cornes, rebondit et tue le beau-père. Après cela, Amphitryon est banni d'Argolide par son oncle Sthénélos.

Comme tragédie, on est servi, et ce bien avant Corneille !

Amphitryon, accompagné d'Alcmène, s'enfuit à Thèbes où le roi Créon l’absout et donne en mariage sa sœur Périmèdè au seul fils d'Electryon encore en vie, Lycymnios, un bâtard né d'une Phrygienne appelée Midée. Le neuvième fils, mais pas de la même femme : une erreur de jeunesse sans doute !

Mais la mort des huit frères n’est toujours pas vengée ! De facto, Alcmène refuse de partager la couche d'Amphitryon. Les femmes peuvent être comme ça : privation de câlins  si on ne fait pas leur quatre volontés ! Créon donne l'autorisation de lever à cette fin une armée en Béotie. Puis, avec l'aide de contingents athéniens, phocéens, argiens et locriens, Amphitryon vainc les Téléboens et les Taphiens et donne les îles à ses alliés.

Il y avait longtemps que Zeus, père des dieux et des hommes, n’avait pas fait des siennes !

Profitant de l'absence d'Amphitryon, il revêt son aspect et, se faisant passer pour lui, assure Alcmène que ses frères sont vengés (Amphitryon avait en effet obtenu la victoire qui lui était demandée le matin même). Punition levée, Alcmène se donne à ce qu’elle croit être son époux, et passe avec lui une nuit entière, ou plutôt trois. En effet, Hermès, sur l'ordre de Zeus, a entre-temps commandé à Hélios d'éteindre les feux solaires, de faire dételer son char par les Heures et de rester chez lui le lendemain. Hermès donne ensuite l'ordre à la Lune de se déplacer lentement et au Sommeil de faire que l'humanité fût à ce point endormie que personne ne remarquât ce qui se passait. Alcmène, totalement mystifiée, écoute heureuse, (…détendue et apaisée…) le récit que lui fait Zeus de la défaite infligée à Ptérélas à Oechalie et se dépense (en toute innocence) dans les bras de son soi-disant mari pendant trente-six heures d’affilée.

Ah ! le sexe dans l’Antiquité !

Alcmène surpassait toute la race des femmes ; et pour la beauté, et la haute stature, nulle des mortelles qui avaient enfanté après avoir couché avec des hommes ne pouvait lutter contre elle. De sa tête et de ses paupières bleues émanait un charme pareil à celui d'Aphrodite c’est tout dire ! Et, dans son cœur et son corps, elle honorait son mari plus qu'aucune autre femme n'avait encore honoré le sien. Levant la punition, elle remplit donc avec ardeur un devoir conjugal qui lui semble maintenant bien légitime.

Sauf qu’à l’époque, Alcmène ne prend pas la pilule puisqu’elle n’existait pas ! Et que Zeus qui avait décidé de lui faire un enfant, pour qu’il devienne à son tour un Héros, pour régler leur compte aux futurs voleurs de troupeaux, lui fait donc l’enfant en question. Enfin pas tout de suite, mais il lui inocule la petite graine.

Dans la même nuit, Amphityon qui a réalisé sa mission revient en Héros. Son idée fixe est d’honorer sa moitié, si violent est le désir qui le démange, qui le taraude plutôt, qui l’obsède, depuis le temps qu’il est au régime sec. On suppose qu’entre temps Zeus est retourné dans l’Olympe et qu’Alcmène ne fait pas la différence entre les deux amants.

Et il couche avec sa femme vénérable, jouissant ainsi des dons pour l’amour de cette véritable Aphrodite…  Deux hommes (de suite) pendant trois jours !

Epilogue :  Alcmène, ainsi domptée par un Dieu et honorée par le plus brave des hommes, la même nuit (mais successivement), enfante, dans Thèbes aux sept portes, deux fils jumeaux, mais dissemblables d'esprit, quoique frères ; l'un très-inférieur (nous n’avons pas de chance), est le fils d’Amphytrion, et c’est notre Iphiclides.

L’autre est le fils du Dieu Zeus. C’est Kroniôn qui amasse les noires nuées.


Il faut que je cherche si Linné a nommé un papillon Kroniôn mais je suppose qu’il n’a pas osé !

Il paraît que plus tard, quand Amphitryon raconte à sa femme le récit de ses exploits, Alcmène ne lui témoigne pas autant d'enthousiasme qu'il l'avait espéré, en disant qu'elle ne souhaitait pas entendre une deuxième fois le récit de ses exploits.

Une seconde fois ?  Amphitryon, qui ne comprend rien va  consulter le devin Tirésias qui lui dévoile le pot aux roses :  Zeus est passé avant lui ! Il paraît que depuis, il n'osa plus jamais toucher Alcmène de crainte d'encourir la jalousie divine.

Quelle histoire !

Et quelle lourde généalogie est celle de notre flambé !


Nous sommes à Montauban, dans les années 1970, et je décide de tout connaître sur mes amis papillons d’enfance. Nous parcourons le dimanche bois et prés, dans la Renault six, dont l’arrière est aménagé pour héberger les deux petits garçons, leur offrir une table pour déjeuner ; et un matelas pour faire la sieste. Nous emmenons des pique-nique, et nageons tous nus dans l’Aveyron, du côté de Saint-Antonin-noble-val. Nous herborisons, chassons, observons. Je prends plein de notes et remplis des cahiers, pour noter la date et le lieu des prises. Je construis des étaloirs, et des boites de stockage avec Robert Blanchard. Tel le vrai chasseur, je commence à m’intégrer dans les biotopes de mes proies, et «à sentir papillon ». Devant un paysage par exemple, je devine quel papillon prendrait plaisir à y vivre.

Et je décide de « penser » Flambé.

Les garrigues du Tarn et Garonne, les causses devrait-on dire, sont remplies de la plante hôte : le Bois de Sainte Lucie, ou Cerisier de sainte Lucie ou faux merisier (Prunus mahaleb) est un petit arbre de la famille des Rosaceae et du genre Prunus.  Il pousse dans les fourrés arbustifs, les bois clairs ou les garrigues (avec une préférence pour les sols calcaires). Parmi ses noms vulgaires on rencontre également quénot, canot, canonier, amarel, faux merisier, et prunier odorant.

Le nom de « Bois de Sainte Lucie » trouve son origine d'un couvent de Minimes, Sainte-Lucie-du-Mont, situé sur les hauteurs de Sampigny-en-Meuse où s'est développé au XVIIe siècle, un artisanat d'objets religieux fabriqués dans le bois de cette essence que l'on trouve abondamment aux alentours du couvent.

Il est proche du cerisier par son bois, mais ses fruits, noirs à maturité, sont beaucoup plus petits et acides que les cerises.

Les feuilles de 5 cm de long sont ovales et finement dentées, de minuscules glandes sont présentes entre les dents sur le bord du limbe. À la base du limbe, deux ou trois nectaires (glandes mellifères) sécrètent un liquide sucré qui attire les fourmis, lesquelles remercient le cerisier en le protégeant des insectes susceptibles de ronger les feuilles (caractéristique des espèces du genre Prunus). Le parfum qui se dégage du bois, de l'écorce et des feuilles provient de la coumarine que contiennent aussi certaines graminées et qui contribue à donner au foin fraîchement fauché son odeur caractéristique.

Cet arbuste est un excellent site d'accueil pour de nombreux lépidoptères tels que les thecla. Il est l'hôte principal de la chenille du Thécla du bouleau (Thecla betulae) et un des hôtes d'autres chenilles de Rhopalocères comme notre Flambé (Iphiclides podalirius) ; le Gazé (Aporia crataegi) ; et le Thécla de l'amarel (Satyrium acaciae).

Ceci dit, reste à repérer les œufs !

IL n’y a pas trente six solutions : ou bien se transformant en détective, on repère une femelle, et organise une filature : la femelle vole de feuille en feuille ; se pose dessus une seconde, recourbant son abdomen pour coller dessous un petit œuf sphérique. Puis elle recommence un peu plus loin, répartissant comme d’habitude les futures chenilles pour qu’elles soient bien entourées de nourriture. Alors on suit la femelle, sans se faire remarquer, et on récolte un à un les œufs qu’elle a pondu devant nous.

Ou bien il n’y a pas de femelle visible ce qui est le cas le plus fréquent. Il faut se mettre à leur place, et imaginer où l’on pondrait si on devait transmettre l’espèce. On vante souvent les acteurs qui se livrent à des rôles de composition : c’est autrement plus difficile de penser flambé, quand on est un homo sapiens mâle de surcroît ! Mais on y arrive, en se dédoublant totalement, l’essentiel étant d’être obstiné, et de ne pas hésiter à visiter les feuilles une par une, en les retournant bien évidemment puisque les œufs sont dessous !

Et on peut commencer un élevage : la chenille sort toute noire hérissée de piques. A la première mue elle devient toute verte, avec une nervure centrale et les nervures adjacentes qui la font ressembler parfaitement à une feuille verte. Sur laquelle elle se tient en position de sphinx, attachée par les dernières pattes à un petit nœud de ficelle pour bien s’assurer. Elle grossit en conservant le même camouflage, et ne ressemble pas du tout à la chenille de Machaon, mais c’est comme si c’était une chenille verte de Lycène, en bien plus gros naturellement. Tout cela jusqu’à changer de couleur comme une feuille à l’automne, s’entourer du fameux fil des Papilio, et se transformer en belle chrysalide.

Comme toujours, le miracle est d’assister à l’éclosion, précédée de l’apparition des ailes miniatures à travers la paroi de la chrysalide devenue translucide ; l’imago sort les cheveux en l’air comme s’il sortait d’une piscine, les ailes pendantes et toutes recroquevillées. Il s’accroche par les pattes à un support, et déploie les belles ailes. Les queues pendent, durcissent, et le cerf-volant se monte tout seul, prêt à des vols interminables.


Podalirius a un cousin méditerranéen. Sa couleur jaune est remplacée par une teinte jaune pâle presque blanc, et seules restent jaunes les liserés périphériques. C’est la variété feisthameli, courante dans les Pyrénées Orientales et en Espagne. Son nom est celui de Joachim François Philiberto de Feisthamel, entomologiste français, qui le décrit en 1850 dans son traité : « Description de quelques lépidoptères Rhopalocères nouveaux ou peu connus ».

Il m’est arrivé depuis Arles de partir un dimanche matin direction le Canigou, de traverser le petit village de Chirac, pour visiter les terrasses qui dominent la mer. Quel voyage énorme : c’est loin ! Des paysages magnifiques, une végétation exubérante. Et des papillons nombreux. Là-bas, quand on voit un flambé, c’est feisthameli !

J’ai pu en ramener quelques uns, de manière à pouvoir comparer le type et sa variation.

Ah, je vous dois une dernière explication : celle du hill-topping : celle de mon enfance, quand j’observais les mâles inaccessibles, perchés sur les plus hautes branches des tilleuls : j’ai compris depuis : ils pratiquent le « hill-topping » !


Je ne vous traduis pas hein ? Hill-topping is a mate-location behaviour seen in many insects including butterflies, dragonflies, wasps, beetles and flies.

Males of many butterfly species may be found flying up to and staying on a hilltop - for days on end if necessary. Females, desirous of mating, fly up the hill. Males dash around the top, competing for the best part of the area - usually the very top ; as the male with the best territory at the top of the hill would have the best chance of mating with the occasional female, who knows the "top male" must be strong and thus genetically fit. Many authors consider this as a form of lekking behaviour.

Many butterfly species including swallowtails, nymphalids, metal-marks and lycaenids are known to hill-top.


Mais…c’est le perchoir à l’Assemblée Nationale !

Vous voyez bien : ce sont des papillons élitistes :
Les mâles, comme nos parlementaires, ne sont bien qu’au top,

et les femelles they would mating,

vont  y chercher le plus
 haut perché !

c’est pour ça que Zeus

est toujours favorisé !

chapeau à l'auteur de cette photo trouvée sur internet