mardi 29 mars 2011

Ascalaphe n'est pas un papillon

Mais un cheval de Troie

Même les informaticiens s’y mettent… à la mythologie grecque ! Non ? et  bien vérifiez donc si votre ordinateur préféré est bien propre et bien clean ; vous en êtes-si sûr ? alors déclenchez votre anti-virus, et vérifiez si vous n’hébergez pas, à l’insu de votre plein gré comme disent les nuls de l’info, un trojan virus, un cheval de Troie !

Ah oui, vous connaissiez ! Pour vous un virus est un cheval de Troie en effet ! parler anglais, tout à coup, ne vous pose plus problème ! Allons : un coup de symantec ou autre norton anti-virus, votre disque dur va être scanné, et gageons que votre virus va être repéré, débusqué, démasqué, mis en quarantaine, et désintégré car il représente le mal, et nous ne recherchons que le bien dans toute cette quête de pureté qui nous obsède.

Dans la mythologie grecque, Ascalaphe (en grec ancien σκάλαφος / Askálaphos) et Ialmène (άλμενος / Iálmenos) sont deux frères, fils d'Arès et d'Astyoché.

Ils règnent sur Orchomène et font partie des leaders de la guerre de Troie, où ils conduisent trente nefs béotiennes d'Asplédon et d'Orchomène. Ascalaphe est tué au combat par Déiphobe tandis qu'Ialmène fera partie des guerriers présents dans le cheval de Troie. Selon Strabon, lors du retour de Troie, Ialmène conduit une troupe d'Orchoméniens qui se fixe dans la région du Pont.

Il faut savoir qu’après avoir vainement assiégé Troie pendant dix ans, les Grecs ont l'idée d'une ruse pour prendre la ville : Épéios construit un cheval géant en bois creux, dans lequel se cache une section de soldats menés par Ulysse. Un espion grec, Sinon, réussit à convaincre les Troyens d'accepter l'offrande, malgré les avertissements de Laocoon et de Cassandre. Cassandre vous le savez avait le don de clairvoyance. Mais en échange de cette particularité, les Muses l’avaient « mal barrée » comme on dit aujourd’hui, car personne ne voulait croire ses prédictions. On comprend bien que disant à ses contemporains qu’il ne fallait pas faire entrer le cheval, les-dits contemporains n’aient eu qu’une réaction : faire le contraire ! Je le sais bien moi à qui c’est arrivé cent fois ! Bref !

Le cheval est tiré dans l'enceinte de la cité, et c’est la fête naturellement, comme quand le Royal de Luxe fait entrer le Géant-scaphandrier  à Berlin pour prendre dans ses bras la petite Gretchen de l’Est, pour fêter l’anniversaire de la chute du mur. Les bars restent ouverts toute la nuit, le whisky-coca, bière et autres boissons énergisées coulent à flots, et les troyens enivrés sombrent dans les vapeurs de l’alcool, dépassant la limite autorisée par la réglementation qui leur interdit de conduire un véhicule. Alors les grecs (qui sont à jeun dans le cheval, que ça les rend fous) en sortent, ouvrent les portes de la ville, permettant au reste de l'armée d'entrer. Vous imaginez le massacre ! Ils pillent la ville. Tous les hommes déjà ivres-morts sont tués définitivement. Les femmes et les filles sont emmenées comme esclaves, non sans avoir été scrupuleusement violées comme d’habitude. Les enfants mâles sont tués eux aussi pour éviter une future vengeance.

Dans l'épisode du cheval de Troie, Ulysse est déjà connu  pour sa métis («intelligence rusée»), qui le conduit à être recherché comme « consultant » auprès des puissants. En fait il invente la ruse. La ruse se distingue de la triche mais aussi du délit (ou du crime) en cela qu’elle est autorisée par la loi ou les règles de l'usage, du jeu, de l'art, de la société, ou des accords internationaux. En l'espèce de l'art de la guerre chez les grecs, il s'agit plus particulièrement d'une ruse de guerre.

Linné rend hommage en cette nuit mémorable où il lui a consacré une heure de sablier, à la larve du fourmi-lion, en lui reconnaissant l’art de la ruse, de savoir creuser des entonnoirs en sable grâce à une manœuvre-en-spirale-reculée. Plus tard cette manœuvre figurera en bonne place dans les figures des patineurs sur glace qui concluront par une pirouette sur place, (cambrée ou arabesque, avec des tas de variantes) puisqu’il n’est pas question qu’ils se fassent leur partenaire-fourmi pour finir, même si des mecs comme moi aimeraient bien que (de temps en temps seulement) ça puisse finir comme ça.


Nous sommes en 1758, toujours cette fameuse féconde année pour Linné qui gratte le jour les noms des papillons de jour, et poursuit la nuit à la lueur de la bougie pour les papillons nocturnes. Je parle de papillons mais tout l’univers vivant y passe. Pas d’ordinateur à cette époque, donc pas de  trojan horse non plus, mais tout se fait à la main, ou plutôt à la plume, sans pouvoir sauver son texte, ni faire des copies. L’enfer pour une secrétaire de direction, qui de nos jours lancerait immédiatement une pétition pour refuser de telles conditions de travail.

Linné ne dit rien, bosse et écrit, infatigable.

Nous avons vu qu’il a deux bouquins consacrés à la mythologie grecque sur le bureau, et qu’il les feuillette inlassablement, pour y rechercher les Héros qui vont donner leur nom à toutes ses créatures. Linné de temps à autre (il n’a pas la télé non plus) s’embarque dans sa lecture, se plonge dans ses réflexions, et se dit :

-«si Ulysse était à mes côtés, mon œuvre irait plus vite, et il me conseillerait utilement pour les noms idoines».

         Las, il reste seul.

Ca ne l’empêche pas nous l’avons dit de gamberger (on dit méditer c’est plus noble et plus élevé). Pardon !

Et comme il a fini de nommer les papillons, et qu’il a décidé d’attaquer les libellules, voilà qu’il se met à gamberger sur le fourmilion. « Le lion qui croque les fourmis » ; en recourant à un piège. En rusant comme l’a fait Ulysse.

Et il décide de consacrer une heure, pas plus (on le voit retourner son sablier pour décompter le temps, mon histoire se passe à la lueur de la bougie, un samedi soir, de vingt deux heures à vingt trois heures). Pas plus car après il doit faire ses comptes personnels, toujours à la main ce qui est fastidieux. Une heure au fourmilion. Les comptes, et puis re-libellules. Puis correspondance avec ses copains entomologistes d’Europe, car il en a partout. Et pas d’emails comme aujourd’hui. Coucher une heure du matin. Lever, cinq heures (Linné comme faisait Napoléon ne dort que quatre heures par nuit ; mais il peut s’accorder une sieste de vingt minutes à quatorze heures entre deux noms de fourmis.).

C’est à ces rares mais fructueuses occasions qu’il lui arrive de batifoler avec Sara-Elisabeth qu’il a épousée le 26 juin 1739. Elle lui a plus à cause de ses deux prénoms. En tous cas ils auront sept enfants, deux garçons et cinq filles.

« Nomina si nescis, perit et cognitio rerum
Si tu ignores le nom des choses, même leur connaissance disparaît »

Alors il donne leurs noms à ses mômes. Rassurez vous, des noms bien orthodoxes (je veux dire : bien catholiques) : Carl comme lui ; Elisabeth, comme elle ; Sara-Magdalena , Lovisa, Sara-Christina ; Johan  et Sofia.

Vous notez qu’il expérimente deux fois  son système de nomenclature binominale, qui permet de désigner avec précision toutes les espèces animales et végétales (et, plus tard, les minéraux) grâce à une combinaison de deux noms latins (le binôme), qui comprend :

-un nom de genre au nominatif singulier (ou traité comme tel), dont la première lettre est une majuscule ;

-une épithète spécifique, qui peut être un adjectif, un nom au génitif ou un attribut, s’accordant avec le genre grammatical (masculin, féminin ou neutre) du nom de genre. Il est écrit entièrement en minuscules. L’épithète évoque souvent un trait caractéristique de l’espèce, et peut être formé à partir d’un nom de personne, de Héros mythologique, d’un nom de plante, de lieu, etc.

Le nom de l’espèce est constitué par l’ensemble du binôme. Ces noms sont « réputés latins », quelle que soit leur origine véritable (grecque, chinoise ou autre), et écrits en alphabet latin.

Ce système binominal permet d’éviter de recourir aux noms vernaculaires, qui varient d’un pays à l’autre, voire d’une région à l’autre. Comme l’a fait l’Eglise catholique et universelle pour le latin de la messe, les hommes du monde entier peuvent maintenant se comprendre pour désigner les mêmes espèces vivantes.


« Le fourmilion flavicorne" (Megistopus flavicornis) doit son nom à la couleur jaune (flav-) des massues à l'extrémité de ses antennes (cornis). C'est un fourmi-lion car les fourmis sont les principales proies dont se nourrissent les larves. Elle s'attaquent aussi aux araignées et à d'autres petits insectes.



C’est en effet la larve qui intéresse Linné : c’est une espèce de cheval (j’exagère beaucoup) qui s’enterre dans un entonnoir qu’elle creuse elle-même (avec ses petites pattes) dans le sable. Elle y déploie pour ce faire la ruse d’Ulysse, puisque pour tromper son monde sans doute, elle tourne en rond en reculant (sans rétroviseur) en spirale. Et l’entonnoir parfait creusé, elle s’enfonce au fond, bien au centre, mâchoires seules sorties. Les fourmis qui passent sur le chemin de sable tombent dans le cratère, astucieusement conçu pour que les grains de sable à 45° glissent d’eux-mêmes, faisant ébouler les parois, et précipitant les malheureuses dans la gueule du monstre enfoui. C’est un spectacle si vous l’avez observé d’une violence inouïe ! « Vae victis », malheur aux victimes-fourmis. Quand vous êtes sur place devant l’entonnoir, et que les fourmis pas connes qui se passent le mot se font rares, le jeu consiste naturellement à rabattre toute fourmi égarée vers l’endroit dangereux avec un brin d’herbe, pour jouir de sa chute. C’est bon alors de se sentir épargné de cette sauvagerie.

Quand plus tard le fourmilion ailé naît de cet engin de torture, il est tout cool et ailé comme une libellule, on en ferait une peluche pour les gosses. Mais il faut savoir qu’il a été dans une vie antérieure aussi dangereux qu’une mine anti-personnel s’agissant des fourmis et autres promeneurs sur les chemins de sable.

Moi j’adorais aller dans les anciennes carrières qui avaient fourni les pierres du château de Tarascon, célèbre ville des bords du Rhône. Et d’y retrouver mes Myrmeleontidae. (ça se traduit syllabe par syllabe). Un peu d’effort que diable !

Je connaissais bien Thérèse Aillaud, qui était secrétaire-générale de la sous préfecture d’Arles, et disciple d’Aphrodite dans le civil mais ça je ne l’ai appris qu’après. Secrétaire se dit au masculin, mais ça fonctionne au féminin, et pour ça elle avait le peps ! Elle était née à Tarascon, et connaissait chacun dans la cité, centre des célèbres tissus provençaux la Soleiado, à telle enseigne qu’elle se mit en tête de devenir maire à la place du maire qui il est vrai n’en fichait pas une rame. Sa stratégie de communication pour mener sa campagne électorale était affriolante : elle s’était entourée d’une armée de militantes, jeunes provençales de Tarascon, n’hésitant pas à s’habiller du seyant costume d’Arlésienne, qui en faisait naturellement des personnages vivants du poète Mistral lors des cérémonies officielles. C’est ça elles devenaient des égéries du poète. Thérèse menait ses meetings entourée de cette  armée d’Amazones, qui le costume de Mistral plié dans la naphtaline, devenaient majorettes en petite tenue, jambes (et naturellement les autres parties de l’anatomie, mais n’ayant pu en faire l’observation, je ne puis me prononcer) bronzées par la pratique du naturisme sur les dunes accueillantes des Saintes-Maries de la mer. Je la rencontrais souvent pendant la journée (professionnelle). Et le soir pour de nombreuses soirées (mondaines) car on sort beaucoup au pays d’Arles. Je pense qu’elle était attirée autant par le beau sexe (masculin) que le beau sexe (féminin), et elle aimait beaucoup Anne à cette époque :

-« vous devriez venir à mes meetings Madame Nassiet. (elle l’appelait Anne dans l’intimité). Ils sont très gais mes meetings, et on y fait des tas de rencontres, vous serez mon invitée personnelle…et puis, je vous dirai comme trouver des tissus chez Soleiado » !

Tu parles s’ils étaient pleins ses meetings ! Tous les mecs étaient attirés comme des papillons autour d’un belvédère, et je puis vous dire, les phéromones dans les soirées, ça dégageait un max !

Thérèse a été élue maire évidemment, et a commencé de secouer une ville endormie sur son Château. Comme quoi les Amazones qui font de la politique peuvent secouer les institutions !

Anne a parfois des vagues à l’âme en se souvenant de ces histoires : elle aurait pu devenir elle aussi amazone, égérie, ou même une nymphe, mais elle se méfiait trop de devenir Corinthe !

Bien sûr vous ne pensez pas (ce serait un grave faux-sens), que j’ai repensé à Thérèse en décrivant les mœurs du fourmilion ! Encore que ses dents, elle était ambitieuse, pouvaient rayer le parquet !



J’en viens à l’Ascalaphe !


- Libelloides coccajus leucelius

 « L'ascalaphe soufré (Libelloides coccajus), appelé parfois "ascalaphe libellule", "ascalaphe fausse libellule" ou "ascalaphe de mai", est un insecte ptérygote (Pterygota) appartenant à l'infra classe des néoptères (Neoptera), au superordre des mécoptéroïdés (Mecopteroida) à l'ordre des névroptères (Neuroptera), au sous ordre des Myméléontiformes (Mymeleontiformia), à la super famille des Myrmeleontoidea, à la famille des ascalaphidés (Ascalaphidae), à la sous famille des Ascalaphinae et au genre Libelloides. »

Je vous l’ai servi tel quel dans le texte !

                          Ouf !

En France dans la famille des ascalaphidés (Ascalaphidae) on ne rencontre généralement que des insectes appartenant aux genres suivants :

• Libelloides,
• Bubopsis,
• Deleproctophilla,
• Puer.

Auparavant l'ascalaphe soufré était classé dans le genre Ascalaphus qui est réservé désormais (du moins il semblerait) aux espèces du nouveau monde.

Plusieurs noms latins ont été utilisés pour désigner l'ascalaphe soufré, et notamment :
• Ascalaphus coccajus,
• Ascalaphus libelluloides.

L'ascalaphe soufré est un insecte particulier dont l'apparence première fait penser immanquablement à un croisement entre un papillon et une libellule. Presque un O.G.M, un organisme génétiquement modifié ! Cependant les ailes de l'ascalaphe soufré ne possèdent pas d'écailles comme c'est le cas chez les papillons.

L'ascalaphe soufré est présent de la partie septentrionale de l'Espagne, jusqu'au sud de l'Allemagne ainsi qu'en Suisse et en Italie. En France l'ascalaphe soufré est présent plus particulièrement à l'est d'une ligne allant de la côte Basque jusqu'au Jura. Ailleurs il est rare ou absent. En région Ile de France l'ascalaphe soufré est protégé.

C’est un insecte héliophile. On le retrouve dans divers biotopes, secs ou humides, acides ou calcaires, comme les éboulis rocheux, les versants ensoleillés des montagnes et collines, les prairies et pelouses, les forêts claires, le littoral marin, du niveau de la mer jusqu'à 2200 mètres d'altitude et parfois plus.

Il est courant à Tarascon sur Rhône. A Tarascon il y a la même usine de pâte à papier qui sent le chou, que j’ai retrouvée beaucoup plus tard à Saint-Gaudens, à quelques centaines de kilomètres plus au sud ; quand je sens le chou, je pense à l’Ascalaphe et je suis bien le seul dans mon cas, parce que ça ne fait penser d’habitude qu’à du chou assez pourri !

L'imago, diurne, qui ne vit que quelques semaines, vole du mois de mai jusqu'au mois de juillet en fonction de l'altitude et du climat. Il possède quatre ailes membraneuses, transparentes, avec des nervures noires bien marquées.

Les antennes sont noires, fines, longues et en massues comme chez certains papillons. L'abdomen, noir, possède 10 segments. Celui des mâles se termine par une paire de cerques recourbés en crochet qui lui servent à agripper la femelle lors de l'accouplement.

L'envergure est comprise entre 4 et 5,5 centimètres. Les ailes présentent de grandes taches jaune soufre (d'où le nom). Le reste des ailes est transparent avec des nervures noires bien visibles. Chez certains spécimens les taches jaunes sont remplacées par des taches crème ou blanches. Au repos les ailes sont serrées le long du corps, en "toit", cependant lorsqu'il réchauffe ses ailes il les tient étalées.

L'imago possède un vol très vif et rapide. Il est diurne et chasse aux heures chaudes et ensoleillées. Le reste du temps il s'accroche à la végétation. C'est un insecte carnivore qui se nourrit d'autres insectes (souvent des diptères : mouches, moucherons...) qu'il capture en vol.

Après fécondation les œufs sont pondus à la base des végétaux, sur deux rangées. Les larves vivent dans les herbes basses, sous/dans la litière ou sous les pierres. La larve, carnivore, possède des mandibules très développées. Mais elle n’a pas la ruse du fourmilion et ignore l’art de l’entonnoir.

Les allemands l’appellent : libellen-schmetterlingshaft.


                                    Mais ce n’est pas un papillon.

                                    C’est un trojan horse !